La nature calcaire et argileuse des terroirs viticoles bourguignons
Elle vient des sédiments de fonds marins tropicaux. Dans les calcaires bourguignons, de très nombreux fragments de coquilles fossiles et de petites concrétions calcaires (oolites) témoignent en effet de la vie marine tropicale de l’époque. Ces paysages du Jurassique sont, sous bien des aspects, comparables aux rivages de sables blancs et aux lagons actuels des Bahamas et du golfe Persique. Les couches calcaires (pierre de Comblanchien, pierre de Corton …) qui alternent avec des couches de marnes témoignent des avancées et des retraits successifs de la mer.
Une faille salutaire
Comme la grande vallée du rift est-africain elle-même en train de s'effondrer, la vallée qui courait, il y a trente millions d'années, de l'Alsace au Beaujolais en passant par la Bourgogne, s'est effondrée, laissant les futurs vignobles orientés vers l’est avec "face" à eux les plaines du Rhin et de la Saône.
Les matériaux pierreux : témoins des grands froids de la dernière période glaciaire.
Alors que les glaciers descendaient du pôle Nord jusqu’à Londres et Bruxelles, la Bourgogne présentait un paysage de steppe froide proche aujourd'hui de la Laponie ou de la Sibérie. Le sous-sol était gelé en permanence. En été, les eaux de fonte ruisselaient en torrents, creusant les combes qui découpent aujourd'hui la côte viticole et charriaient en surface des blocs et galets qui s’accumulaient en larges cônes d’épandage.
La création de nos paysages aujourd’hui
Depuis le dernier réchauffement climatique, il y a dix mille ans, le paysage dénudé s’est couvert de forêts de pins, puis de noisetiers et de tilleuls, enfin de hêtres et de chênes. Dès lors, les sols se sont constitués progressivement aux dépens des roches calcaires en intégrant la matière organique issue de la dégradation des litières de feuilles, sous l’action permanente des micro-organismes. La photo nous montre une forêt actuelle mêlant conifères et feuillus à l’image des forêts originelles avant l’action de l’homme… comme autant de coteaux prêts à la plantation de la vigne.
La partie émergée de l’iceberg
Si l’on regarde de plus près, l’ossature géologique de la Côte donne tout son sens à l’expression de « mosaïque », en raison des nombreuses failles satellites de la faille principale qui découpent et juxtaposent des couches géologiques d’âges ou de natures différents. Ces « failles-filles » ajoutent de la diversité dans les terrains que le parcellaire des clos et des murs est venu fixer pour définir les Climats de la Côte de Nuits et de la Côte de Beaune. Il y a donc eu une faille pour la Côte, oui !mais une faille salutaire…
1ères traces de vignes gallo-romaines
La viticulture est implantée en Bourgogne depuis l’Antiquité et dès la fin du Ier siècle apr. J.-C. où elle témoigne de l’expansion de la culture romaine dans l’ensemble du nord de la Gaule. Un vignoble antique a été découvert à Gevrey-Chambertin en 2008 lors de fouilles archéologiques préventives. Il atteste la présence de la viticulture aux Ier-IIe siècles de notre ère au pied de la Côte de Nuits, dans une plaine relativement humide loin des positions du vignoble actuel.
312 après J-C: Panégyrique d’Eumène
Eumène, maître littérateur d’Autun, dans son discours adressé à l’empereur Constantin à Autun, livre la première description du vignoble bourguignon.
La Loi Burgonde
Jusqu’au VIIème siècle les vignes étaient principalement situées dans les plaines. Au VIème siècle, la loi burgonde, dite loi Gombette, favorise indirectement l’implantation du vignoble sur les pentes qui n’étaient pas de premier choix pour l’agriculture. Elle apporte également les premiers éléments juridiques de protection de la vigne et démontre l’importance de la viticulture au sein de la société burgonde,
Deux grands ordres monastiques du Moyen-Âge
L’histoire et le rayonnement du vin de Bourgogne restent incontestablement liés à la naissance puis à l’expansion des ordres clunisien et cistercien. Nées toutes deux en Bourgogne, les abbayes de Cluny (fondée en 910) et de Cîteaux (fondée en 1098) exercèrent une influence déterminante sur le vignoble.
Une influence déterminante sur le vignoble
C’est la présence des ordres monastiques qui va façonner le territoire en exerçant une influence déterminante sur les méthodes de vinification, l’édification d’un bâti spécifique, la mise en place progressive d’un parcellaire, la qualité du vin et sa diffusion sur les marchés. Les investissements financiers et humains ainsi affectés par le pouvoir religieux modelèrent incontestablement les paysages et les activités viti-vinicoles.
Un modèle de production autarcique des communautés cisterciennes
Cette production a contribué à la création des lieux souvent d’excellence – qui seront des Climats de la Côte – avec le modèle du cellier et du clos cistercien dont le clos de Vougeot marque l’invention au XIIème siècle . Si la production est autarcique, le modèle, lui, a largement été diffusé en Europe pour servir de fondement aux vignobles d’abbayes en Allemagne, Suisse, Espagne, Portugal, etc.
Un Etat au rayonnement européen: le Duché de Bourgogne
Aux XIVème et XVème siècles, la dynastie Valois des ducs de Bourgogne règne sur l’art et le goût dans l’Europe entière, offrant au vignoble un considérable rayonnement économique et culturel. Par la route du Nord en direction des Flandres, mais aussi la route du Sud vers Avignon et la Cour du Pape. En termes de réseaux commerciaux, l'importance des villes de Dijon et de Beaune comme places du marché de gros vers l'exportation est considérable.
1395: Ordonnance du duc Valois de Bourgogne, Philippe Le Hardi
Philippe Le Hardi interdit sur ses terres la culture du gamay, plus productif et rentable, au profit du pinot noir, de meilleure qualité, les vins sont alors considérés comme les meilleurs vins de la chrétienté selon l’expression de Philippe Le Bon,
À partir du XVIème siècle: la propriété se modifie.
L’ancien domaine ducal gagné par le roi de France en 1477 et une partie des domaines religieux entament un morcellement qui s’étend sur plusieurs siècles. Les parlementaires et la bourgeoisie dijonnaise notamment acquièrent une partie de ces terres. Le vin de Bourgogne est alors reconnu par la Faculté de médecine de Paris « le plus agréable et le plus salutaire ».
1584 : Mention écrite du mot « Climat »
Dans un document de 1584 relatif au clos de Bèze, les chanoines de Saint-Mamet de Langres parlent de « leurs vignes scize en ce finaige [Gevrey-Chambertin] au lieu dict en ChamptBretin » et « d’une autre piece de vigne scize audict Climat de Champt Berthin ».
Et c’est à partir de cette époque, et au cours du XVIIe siècle, que le terme se généralise dans les actes juridiques ayant trait aux biens fonciers
Les tibériades de Dijon
C’est précisément à l’époque où apparaissent nommément à la fois le terme de « Climat » et des Climats en tant que tels, que l’on voit représentés des Climats de vignobles sur deux documents exceptionnels : les tibériades de Dijon, dites « la petite tibériade » datée de 1550 et « la grande tibériade » de 1567-1571.
Une tibériade est une sorte de plan, d’origine médiévale et italienne dressé lors de procès de bornage ou au sujet de limites territoriales pour représenter aux juges les lieux contestés
L’émergence par l’excellence
L’émergence par l’excellence des deux Climats de Gevrey est symptomatique de la mise en place définitive du modèle des Climats bourguignons. À partir de la seconde moitié du XVIIème siècle, la proximité avec Dijon qui avait été la norme avec la marque de la ville ne suffit en effet plus pour jouer le rôle principal dans la hiérarchisation des vins. Le mouvement va alors vers la dépréciation continue des crus du nord de Dijon, au profit du territoire de vignes qui s’étend de Gevrey à Marsannay-la-Côte, c’est-à-dire du nord de la côte de Nuits – en 1680, apparaissent « les vins de Nuits » – où vont s’exprimer par la suite au XVIIIème siècle tous les autres Climats de cette côte,
L'apparition des vins de Climats
Entre la fin du XVIIème siècle et la fin du XVIIIème siècle, le marché des vins évolue du fait de la libéralisation de l’économie. En lieu et place des vins de Dijon et Beaune (ou alentour), on commence à voir apparaître des vins de Climats spécifiques qui prennent les noms de lieux aujourd’hui réputés de la Côte (Clos de Bèze, Corton…) et qui se vendent de plus en plus cher.
Un voyage dans le temps
C’est précisément au moment où les Climats se généralisent au XVIIIe siècle avec les caractères qui les distinguent qu’apparaissent les millésimes. Avec le siècle des lumières, la Côte a choisi en même temps l’individuation de l’espace dans les Climats et celle du temps dans les millésimes
Les maisons de négoce
Elles sont créées par des professionnels du commerce (de draperie, de ferronnerie) ou des artisans (boulangerie, tonnellerie). Les négociants de Beaune achètent des vins, les stockent en cave, les élèvent puis les proposent à la vente, souvent à grande distance. Pour cela, ils établissent de vastes réseaux commerciaux intégrant des moyens de transport, des intermédiaires, des comptoirs dans les villes françaises et européennes, principalement du Nord et de l’Est. Ce succès commercial des vins contribue à diffuser et à imposer très largement en France et en Europe le modèle bourguignon de différenciation des lieux par le vin.
La Révolution confisque les vignobles appartenant à la noblesse et au clergé.
De riches commerçants et négociants ainsi que des viticulteurs les acquièrent. Sans que soit fondamentalement bouleversée la répartition globale de la propriété, ils améliorent la qualité des vins. En moins de trois siècles, une grande partie du patrimoine viticole a changé de mains.
En même temps que les Climats sont apparus de plus en plus différenciés à partir de l’époque moderne, les caractères propres des lieux et des Climats viticoles ont été transcrits, analysés, promus à travers le développement d’une culture savante naturaliste, médicale, académique et scientifique, très active du XVIIe au XXe siècle, dont les débats ont retenti bien au-delà de la province de Bourgogne.
La plus ancienne et la plus célèbre vente vinicole de charité au monde
Organisée le troisième dimanche du mois de novembre, la vente aux enchères des vins des Hospices de Beaune fut tenue pour la première fois en 1859. Propriétaire de près de 60 hectares de vignes, l’établissement de charité avait préalablement instauré la vente de ses vins pour le bien commun selon des modèles différents (vente à l’amiable jusqu’à la Révolution, vente par soumissions au début du XIXe siècle).
Depuis 1959, la vente se déroule sous la grande halle. Précédemment, elle prenait place dans la Chambre du Roi des Hospices (jusqu’en 1925), puis dans la cuverie.
Deux fléaux s’abattent sur les vignes: le phylloxéra (1875) et le Mildiou (1879)
Ces maladies anéantissent les vignes françaises. La crise du phylloxéra dure une quinzaine d’années. Des porte-greffes résistants au phylloxéra sont importés d’Amérique (1885). La nécessité de greffer exige le développement de connaissances et de techniques nouvelles, aboutissant à une transformation importante de la viticulture,
Une reconnaissance et une garantie de savoir-faire viticoles
Les viticulteurs eux-mêmes s’organisent pour lutter contre la fraude. Ainsi, dès les années 1920-1930, certains propriétaires-récoltants de Côte-d'Or refusent de vendre leur vin en vrac. Ils décident de le mettre en bouteille eux-mêmes, sans en augmenter le prix, garantissant ainsi l’origine.
À partir de 1936 et ce, jusqu’à nos jours, la mise en place des Appellations d’Origine Contrôlée (AOC)* installe de nouvelles normes. Elles mettent en valeur les particularismes de chaque parcelle viticole qui s’exprime notamment dans le paysage que forme la mosaïque des Climats.