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A chaque Climat son nom

Aux origines des noms de Climats

Les Climats portent souvent des noms mystérieux. Les déchiffrer, c’est comprendre l’histoire de chaque parcelle. Comme une personne, chaque Climat a son « identité » et son nom. Ces noms remontent pour nombre d’entre eux au Moyen-Âge. Ils expriment l’origine, l’histoire, les caractéristiques du lieu, le sol, l’exposition de chaque Climat. Ainsi, « Romanée » exprime la proximité de la parcelle à une ancienne voie romaine, « les cras » la composition d’un sol pierreux, ou « Montrachet » l’absence de végétation en sommet de colline. 

En suivant la pente... 

Plus encore que dans le substrat, la qualité d’un Climat réside dans l’exposition.  La pente d’une colline ou larrey (et ses variantes larret, larré, larris), lorsqu’elle est exposée au levant et suffisamment inclinée pour empêcher l’eau de stagner, est particulièrement apte à devenir une vigne.

Usuel à l’époque médiévale, larrey est issu du gallo-romain lat(e)r-iciu, dérivé du latin classique latus, -eris («flanc, côté, pente »); il a abouti lui-même à « lès » pour indiquer la proximité, comme dans le composé Chorey-lès-Beaune.

Défrichements et végétation

Au XIIe siècle, l’extension des vignes fait reculer bois et friches, laissant apparaître de nombreux essarts, d’où Les Issards, Ez Echards. La trace de la pratique de l’écobuage, ou culture sur brûlis, est visible dans Combe brûlée, Aux Brûlées. Ces friches devenues vignes portent le nom de toppes (d’une base prélatine tippa, motte de terre, colline) d’où Les Toppes Coiffées ou La Taupine.

Le nom le plus courant de la friche est la chaume. Il est directement présent dans Les Chaumes ou Les Chaumées. La forme latinisée calma, attestée au VIIe siècle, produit tantôt chaume, tantôt charme, d’où Aux Charmes-Chambertin.

Les Bouchots portent la marque des buissons préexistants à l’implantation de la vigne : bouchots, boucherottes, bouchères, boichots (bois), ou boissières, bussières (buis). Les épineux, présents sur le terrain ou composants des haies, s’entendent dans Les Epenottes, Les Epenots. L’aubépine ou épine blanche est présente sous sa forme régionale ébaupin : L’Ebaupin, Les Baupins et même dans Aux Beaux Bruns. Enfin, la végétation rabougrie d’une colline s’entend dans le nom de Montrachet, littéralement mont pelé, comme atteint par la râche, terme régional désignant la teigne.

Une occupation inscrite dans le paysage 

La manière dont les vignes se sont insérées dans le territoire au fil des siècles fournit un nombre nom négligeable de toponymes révélateurs de l’occupation humaine. La Romanée évoque la proximité d’un chemin que l’on suppose romain à une époque plus tardive.

La villa, initialement exploitation agricole gallo-romaine, prend rapidement le sens de village, par rapport auquel situer une parcelle : ainsi Entre Deux Velles, Sous la Velle, Derrière la Velle.

Les nombreux Chezeaux renvoient au bas-latin casa, casale, casalis, désignant moins la maison elle-même que l’emplacement propre à son établissement, d’où des formes au singulier ou au pluriel : Chazal, Chazeaux, Aux Cheusots, Aux Echézeaux, Ez Chazots...

Les nombreux Meix – Les Meix des Ouches, Les Meix Gagnes… – désignent quant à eux de petits clos villageois (cf. le provençal mas) que les historiens nomment manses (du latin mansus), à l’origine tenures serviles dépendant du domaine seigneurial.

Les Clos témoignent de l’emprise foncière des moines, des seigneurs, des chapitres, des évêques au Moyen Âge : Clos de Vougeot, Clos du Roi (initialement au duc de Bourgogne), Clos de Bèze, Clos de Tart (XIIe siècle)… On trouve également les formes clou ou au pluriel cloux et clous, ainsi que le diminutif closeau, Au Closeau désignant une parcelle de petites dimensions.

De précieux cailloux pour retrouver le chemin des vignes. 

La toponymie viticole évoque surtout les coteaux pierreux investis dès le haut Moyen Âge.

Les éboulis pierreux et des cônes alluviaux nommés localement cras ou crais constituent un très bon substrat pour la vigne, révélant majoritairement des premiers crus : Les Crais et Les Cras à Marsannay, Les Crâs à Vougeot, Les Crays à Monthelie, Les Criots à Meursault, etc.

Si les dénominations des lieux-dits sont médiévales, le thème étymologique remonte au celtique cracos signifiant « colline pierreuse », attesté dans les parlers celtiques actuels (gallois craig, breton crag).

L’homophonie avec le nom régional du corbeau, crâ (d’après l’onomatopée de son cri), suscite souvent des confusions amenant à interpréter fautivement les cras, sols pierreux.